Article de presse

Récupération et valorisation du CO₂ en chai

Écrit par D. Lefebvre, publié par Journal Agri-viticole “Le PHR”, le 03/01/2025


Les établissements Schiélé, à Pfaffenheim, font appel à W Platform, une start-up spécialisée dans la captation et la valorisation du CO2, dans les secteurs vinicole et brassicole. Les premiers sticks de neige carbonique, issus du CO2 de fermentation, ont été produits dans un chai alsacien lors des dernières vendanges. Le CO2 devient ainsi un nouveau coproduit de la viticulture. « On ne conçoit plus un chai aujourd’hui sans penser à capter le CO2 à la source, c’est-à-dire au niveau des cuves, explique Jean-François Schiélé. C’est un enjeu de sécurité. » Une fois le réseau de captation du CO2 au niveau des cuves installé, il devient opportun de le valoriser. Dans cette optique, les établissements Schiélé se sont associés à deux ingénieurs, Matthieu Planté et Jean-Philippe Ricard, qui travaillent sur la valorisation du CO2 en brasserie et en viniculture. Ensemble, ils ont lancé W Platform, une start-up bordelaise dédiée à la R&D et au développement de solutions sur cette thématique du gaz carbonique en économie circulaire. « Dans le secteur vinicole, nous n’avons pas la culture de la valorisation des sous-produits comme dans l’industrie agroalimentaire », explique Théo Schiélé. «

Quant au CO2, on le laisse souvent s’échapper. » Or, poursuit-il, « il existe une filière de redistribution du CO2 biogénique, avec une demande croissante. Aujourd’hui, 50 % du CO2 émis pourrait être récupéré. »
CO2 Water : valorisation du CO2 fermentaire dans le chai
Trois à sept ans de retours sur investissements
L’idée de capter et de valoriser le CO2 avait émergé il y a déjà quarante ans, mais elle avait été abandonnée à cause du coût. Le sujet est désormais remis au goût du jour, à la faveur de la hausse des prix des matières premières, dont le CO2 agroalimentaire, et du progrès des techniques. En effet, les entreprises vinicoles sont dans une situation paradoxale : ce sont de grandes productrices de CO2, et pourtant, elles en achètent aussi beaucoup pour diverses

« Selon la taille des entreprises qui mettent en place la captation et la valorisation en autoconsommation du CO2, il faut compter entre trois et sept ans pour un retour sur investissement », annonce Théo Schiélé.

CO2 Ice : vvalorisation du CO2 fermentaire dans le chai

Les applications œnologiques du CO2
W Platform a développé une série d’applications basées sur cette récupération du CO2, et les établissements Schiélé sont partenaires pour le développement technique et la diffusion de ces solutions.

  • Captation et stockage :

W Platform a développé CO2 Winery, une petite unité de la taille d’un filtre sur roulettes. Installée dans la cave et reliée à la collecte des gaz fermentaires, elle purifie le CO2 par séchage et filtration. Ensuite, elle le comprime entre 20 et 200 bars pour le stocker dans des bonbonnes.

  • Valorisation en inertage :

Le CO2 est plus efficace que l’azote pour protéger un liquide de l’air, qui est un oxydant, car il est plus lourd. Le lit de CO2 inertant une cuve en vidange et formant un matelas protecteur à la surface du vin est donc plus stable qu’un lit d’azote.

  • Nettoyage des surfaces :

L’eau gazéifiée à 2 g/litre de CO2 possède une capacité de rinçage accrue, grâce à l’acidification provoquée par la solubilisation du CO2 dans l’eau sous forme d’acide carbonique. En effet, le CO2 solubilisé réagit avec l’eau (H2O) pour former de l’acide carbonique (H2CO3). En raison de son acidité, cette eau gazeuse possède un pouvoir mouillant amélioré et permet également de neutraliser le lavage des cuves à la soude. Elle a aussi la faculté de dissoudre les dépôts de tartre calcaire, comme le CaCO3. Selon Théo Schiélé, les économies d’eau peuvent être substantielles, de l’ordre de 20 à 50 %.

  • Abaisser le taux d’alcool dans les vins :

Dans un contexte de pression sociétale accrue, la demande se tourne aujourd’hui vers des vins moins alcooleux. Il est possible de réduire naturellement la teneur en alcool en injectant du gaz carbonique dans la cuve, pendant la fermentation, par un simple bullage. Les bulles de CO2 entraînent avec elles de l’éthanol.

  • Récupération des arômes :

Cependant, cette solution de bullage présente un inconvénient : le CO2 entraîne non seulement de l’éthanol, mais aussi des arômes. Il est donc nécessaire de les récupérer, ce que propose W Platform en installant une petite colonne de recondensation sélective au niveau de la captation des gaz. « Nous avons dégusté les condensats de pinot blanc, indiquent Théo et Jean-François Schiélé. Et ce sont des liquides incroyablement riches en arômes. »

CO2 Box : analyse et purification du CO2 et effluents gazeux
  • Fabrication de neige et de glace carbonique :

Une fois le CO2 capté, purifié et stocké, il peut être transformé en neige ou glace carbonique. La neige carbonique est un produit œnologique particulièrement utile lors des vendanges pour l’inertage des raisins pendant le transport et leur manipulation, jusqu’au pressurage, puis dans les cuves de moût et de vin. Cela permet de limiter les phénomènes oxydatifs et ainsi de préserver les potentiels aromatiques.

  • Compression-détente pour faciliter les flux de vendanges :

Les vendanges pompées subissent une compression due au pompage, ce qui éclate les raisins. Or, l’objectif qualitatif est de préserver au mieux leur intégrité durant leur acheminement jusqu’au pressoir. Pour limiter l’éclatement des baies lors des transferts de vendanges, l’idée est d’introduire des poches gazeuses dans les conduits. Ainsi, au lieu que ce soient les raisins qui absorbent la compression du pompage, ce sont les poches de gaz. « Cela fonctionne très bien avec de l’air. Le raisin est mieux préservé, mais cela ne résolvait pas les risques d’oxydation », explique Théo Schiélé, d’où l’idée de remplacer l’air par du CO2 gazeux, qui joue le même rôle de tampon dans la compression des vendanges mais offre, en plus, une protection par inertage.

  • Plateforme d’achat/revente :

Enfin, si tous les acteurs du secteur vinicole n’ont pas la possibilité d’exploiter in situ la production de CO2 biogénique, W Platform met en relation ces acteurs sur une plateforme lancée en août 2024.

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